Chocolat, un plaisir des Dieux
Histoire du chocolat

Avant d’être une nourriture pour les hommes, le chocolat fut une nourriture pour les dieux : selon la légende, c’est le roi sacré Quetzalcoatl qui l’aurait découvert dans le jardin des fils du Soleil.

Histoire d’un voyage
C’est avec l’arrivée des Conquistadors que les occidentaux découvrent le Théobroma cacao linnéa. A la suite de Christophe Colomb, qui s’est désintéressé de la fève précieuse, la considérant comme une vulgaire monnaie d’échange, Hernan Cortés découvre ce qui deviendra le chocolat durant la conquête du Mexique, en 1519. L’empereur aztèque Moctézuma lui-même lui offrira du précieux breuvage, servi dans une coupe d’or. Malgré le goût inhabituel à son palais hispanique, Cortés est étonné par les vertus tonifiantes du cacao.

En Europe, le chocolat fait un tabac
Avec la fin de la suprématie espagnole sur les mers, le chocolat se diffuse dans l’Europe entière ; tout d’abord en Italie (1594), puis, avec le mariage d’Anne d’Autriche et de Louis XIII, en France (1615), en Angleterre (1657) et enfin sur le territoire allemand 1658).
Tant apprécié pour ses propriétés aphrodisiaques et diététiques que pour l’exotisme de sa saveur, le chocolat fait succomber l’aristocratie européenne.
Neuf ans après son entrée en Italie, le chocolat pénétrait en France dans les bagages et grâce à la passion d’une très jeune princesse espagnole, Anne d’Autriche, la fille de Philippe III. En épousant à l’âge de quatorze ans un petit roi de son âge, Louis XIII, l’infante introduisit à la cour de France, e même temps qu’une armée de servantes toutes adeptes du chocolat et sachant le préparer à merveille, la mode de cette boisson d’autant mieux accueillie qu’elle semblait encore une excentricité rare, un luxe réservé seulement à quelques-uns.
On imagine déjà tous les plaisirs du chocolat en observant cette nature morte : le plaisir de la nouveauté tout d’abord, puis celui de la préparation à l’aide d’instruments appropriés (on voit ici le moulinet, la chocolatière à couvercle percé, la cuiller pour écumer et dégraisser), le plaisir du chocolat sucré (une invention espagnole) et enfin celui du pain frit ou grillé trempé dans le délicieux breuvage.
IVe – Xe – Les Mayas cultive le cacaoyer
XIVe – XVIe – Les Aztèques préparent une boisson tirée de la fève de cacao, le xocoatl
1492 – Christophe Colomb, en abordant les îles du golfe du Mexique, découvre la fève
1528 – Hernan Cortés, conquérant du Mexique, envoie une première cargaison de fève en Espagne
1594 – Le chocolat est introduit en Italie
1615 – Mariage d’Anne d’Autriche et de Louis XIII. Par cette union, la France découvre le chocolat
1657 – Les Anglais goûtent et adoptent le breuvage
1658 – Les Allemands tombent à leur tour sous le charme de sa saveur insolite
1659 – David Chaillou reçoit des mains de Louis XIV le monopole de la vente du chocolat
1770 – La Compagnie française des chocolats et des thés Pelletier & Cie voit le jour à Paris
1778 – Invention de la broyeuse hydraulique par Doret
1821 – Cadbury invente le chocolat à croquer
1825 – Installation à Noisiel de l’usine de Jean-Antoine Brutus Menier
1828 – Van Houten fabrique le premier cacao en poudre
1875 – Henri Nestlé découvre le lait en poudre et Tobler la fabrication du chocolat au lait.
Lindt invente le conchage
1923 – Première barre chocolatée fabriquée par Franck C. Mars
1952 – Barry Callebaut implante la première usine de traitement à proximité des lieux de production.
Pour la fabrication du cacao, opération délicate et complexe, on procède la plupart du temps en deux étapes. La préparation ainsi qu’une première transformation du fruit se fait sur les lieux de la plantation même. Par la suite, les ultimes traitements de la fève et la production de cacao et de chocolat sont effectués en usine.

Une fois les cabosses parvenues à maturité, on procède à leur récolte.
Le fruit récolté, vient l’étape de l’écabossage : on retire les fèves des cabosses par éclatement de celles-ci. Les fèves sont extraites à la main et séparées du mucilage.
La fermentation fait suite à l’écabossage. Il ne doit pas s ’écouler plus de 24 heures entre ces deux opérations.
Sur les petites plantations, en Amérique ou en Afrique, les graines de cacao fermentent lentement dans de volumineux paniers en osier. Inlassablement, les femmes les brassent en les transvasant d’un panier à l’autre.
Sur les plantations modernes, les paniers sont remplacés par de gros coffres en bois à fond ajouré, les caisses de fermentation. Lentement, les graines s’écoulent en cascade d’une caisse à l’autre, se transformant peu à peu en goûteuses fèves.
C’est ensuite le moment du séchage. Les fèves sont déposées sur des claies ou bien des bâches exposées au soleil ou encore disposées dans des séchoirs. Il s’agit de stopper la fermentation en abaissant le taux d’humidité à l’intérieur de la fève.
Les fèves de cacao ainsi traitées sont envoyées aux industries de transformation.
Dans certaines régions d’Amérique du Sud se pratique encore pendant le séchage une couture ancienne : la danse du cacao. Une danse sans musique, dans laquelle seuls les pieds remuent.
A leur arrivée dans l’usine de traitement, il convient de débarrasser les fèves des impuretés restantes : c’est le nettoyage.
Les fèves sont ensuite soumises à un traitement infrarouge, ce qui permet d’éliminer les ultimes éléments nuisibles à la production du cacao : la coque se détache, les derniers germes disparaissent.
L’étape suivante est la torréfaction : portées à une température de 100 à 140 °C durant une demi-heure, les fèves sont grillées. Les arômes, déjà formés à la fermentation, se développent, la teneur en eau devient très faible, les éventuelles bactéries sont supprimées.
Placées dans des moulins à cacao à une température de 90° C, les graines sont soumises au broyage. On obtient alors de la pâte de cacao, appelée aussi masse de cacao. Une partie de cette pâte de cacao est envoyée en pressage. Cette opération a pour but la séparation de la partie solide, le tourteau, de la partie liquide, le beurre de cacao. Le tourteau sera passé ensuite au travers de tamis. Ce passage s’appelle le blutage. Il permet d’obtenir de la poudre de caco.
Le 4 avril 1828, Coenrad Johannes Van Houten dépose le premier brevet de chocolat en poudre. Il vient de réussir à extraire le beurre de cacao. Le résidu de l’opération est une « substance poudreuse et sèche ». Les boissons instantanées sont nées.
Le beurre de cacao, lui, est ajouté au reste de la pâte de cacao pour le malaxage. Dans un pétrin, les ingrédients du futur chocolat sont mélangés : pour obtenir du chocolat noir, on ajoute simplement du sucre et pour du chocolat au lait, du sucre et du lait en poudre.
Le chocolat blanc s’obtient par un mélange de beurre de cacao, de sucre et de poudre de lait.
Dans le but d’obtenir un mélange possédant la viscosité souhaitée et d’affiner les arômes, le chocolat est battu : c’est le conchage. On obtient alors le chocolat liquide, base de tous nos chocolats.
En 1879, Rodolphe Lindt invente le conchage, ce procédé qui affine la texture du chocolat et le rend si onctueux. Un chocolat longuement conché donne la sensation de napper le palais d’arômes et de douceur.
Pour réaliser un chocolat solide, on doit procéder aux opérations de tempérage (cristallisation par changement de la température du chocolat liquide), éventuellement de mélange adjonction de noisettes, d’amandes, de céréales, …), et, enfin, de moulage.
Déposé dans un moule, le chocolat encore liquide voit sa température progressivement abaissée par un passage dans un tunnel réfrigéré.
Il se contracte, permettant un démoulage aisé. Suivant la forme du moule, on obtient des tablettes, des bonbons ou des barres.
Le chocolat est prêt à être dégusté.
Les moules étaient autrefois fabriqués par martelage, souvent par les pâtissiers eux-mêmes. Vers 1850, on commence à travailler le fer-blanc, aujourd’hui remplacé par l’acier inoxydable et le plastique.
Pour ses premiers adeptes européens, le chocolat représentait davantage un aliment sain et nourrissant qu’un simple plaisir.
Mais pour l’église il demeurait une boisson, non un aliment, et en cela offrait un moyen idéal de supporter les jeûnes. Souvent, d’ailleurs, le chocolat était fabriqué dans les couvents et les monastères, selon de vieilles méthodes indiennes en usage jusqu’au XVIIIe siècle.
Cet ouvrage d’un médecin de Louis XIV parut alors qu’à la cour de France le chocolat triomphait. En Angleterre, le mémorialiste Samuel Pepys, qui but sa première tasse de chocolat en 1662, le trouvait excellent pour dissiper migraines et maux d’estomac consécutifs à des repas trop arrosés.
Si l’existence de la mémoire de l’eau reste encore à démontrer, la « mémoire du chocolat » est une évidence qui, aujourd’hui, ne peut être sérieusement remise en question. A tout moment d’ailleurs, chacun de nous peut en faire l’expérience. Un carré, une bouchée, une barre, un copeau, une miette suffisent. Cela peut être du noir, du blanc, du lait, du « noisettes », du « raisins », du fourré, qu’importe : tout fonctionne.
Il suffit de fermer les yeux puis de glisser d’un geste lent, presque complice, un petit morceau de chocolat dans sa bouche. Certains le posent au milieu de la langue et le laissent fondre. D’autres le croquent sans préliminaires. Dans les deux cas, le chocolat ramollit, puis de met à fondre. Le voyage commence. Un goût unique, chaud, puissant, nous transporte en une fraction de seconde dans un univers étrange où les souvenirs s’entrechoquent.
En 1927, dans le film Du sollst nicht stehlen, Lilian Harvey, coqueluche du public allemand, mêle les plaisirs du chocolat à ceux de la lecture. Dans l’intimité, la dégustation solitaire du chocolat peut être un loisir inavouable, voire un passe-temps égoïste.
Texte et photos tirés de l’ouvrage Le livre du Chocolat, éditions Flammarion.